Né à Nuremberg en 1926, Gustav Metzger dut fuir les persécutions du régime nazi en 1939 et sa famille fut déportée. Il vit aujourd’hui à Londres. Son enfance détruite marque son œuvre, même lorsqu’il travaille à partir d’événements actuels. Il organise l’ensemble de cette œuvre autour de trois axes majeurs : la création plastique, les recherches historiques et la réflexion théorique.
Au premier étage du château, on peut découvrir « Kill that car », une installation constituée d’une voiture cabossée, de débris de verre et de plastique, d’une photo rappelant une manifestation londonienne, d’affiches publicitaires vantant une prime à la casse, de la voix d’un enfant qui reprend par intermittences le titre de l’œuvre.
Dès les années 50, Gustav Metzger s’interroge sur la signification du rôle de l’artiste. En 1959, il écrit un manifeste dans lequel il préconise la création d’un art « autodestructif » (les œuvres ne devraient pas durer plus de vingt ans), public donc partagé, pour « les sociétés industrielles avancées ». Il joue sur le rapport de la dénonciation de la société qui crée les objets industriels et les détruit ensuite ; il lie des préoccupations environnementales avec l’histoire de l’art et les vanités.
Ainsi, dans « Kill that car », la voiture a été soumise à une destruction partielle violente, mais le fait de réagir contre l’encombrement des rues (« claim the streets », sujet de la manifestation anglaise) semble plutôt positif. Quant à la voiture, un glissement de la pensée permet de l’assimiler à la position de l’être humain dans une société où l’on donne parfois de l’argent pour jeter les objets.
Gustav Metzger, en 1970, a créé « Mobile », œuvre consécutive à une performance qui interpelle le spectateur selon différents niveaux de lecture. Une plante est enfermée dans un cube de verre percé d’un trou auquel est relié un tuyau par lequel on envoie les gaz d’échappement d’une voiture. La plante reste ensuite exposée dans le cube dont les parois portent les traces de la condensation des gaz.
Au deuxième étage, à l’intérieur de la tour, se trouve l’œuvre « Failing trees », qui présente des arbres renversés et pris dans un énorme bloc de ciment. L’artiste pose les questions du déracinement, du développement urbain, de l’urgence écologique et, sur un plan plastique, de la sculpture, du collage, de l’inversion.
Dans une autre salle, une pile de journaux est posée sur le coin d’un bureau. Des articles découpés sont fixés à un panneau d’affichage ; ils concernent trois sujets : la crise financière, l’extinction de l’espèce et la façon dont nous vivons. Les visiteurs peuvent s’asseoir au bureau, découper les articles qu’ils ont sélectionnés et les accrocher. Dans cette œuvre, Gustav Metzger met en avant le côté participatif, interactif, de l’art : le public peut effectuer ses propres recherches et il est amené à réagir au lieu de rester un spectateur passif. Cette œuvre a trait à la mémoire, l’archive, la consommation des images et aussi à l’histoire personnelle.
En 1961, Gustav Metzger écrit un nouveau manifeste en faveur d’un art « auto-créatif » dans lequel se répondent des mécanismes de fascination et de répulsion. Ainsi, par exemple, on peut dire que la science constitue un progrès, mais aussitôt il est nécessaire de se demander si c’est la seule voie possible. Dans cette perspective, le rôle de l’artiste reste à définir.
Dans une salle obscure, des projecteurs diffusent des images aux tons doux provenant de diapositives doubles dans lesquelles ont été insérés des cristaux liquides agissant sur les couleurs en les détruisant partiellement sous l’action de la chaleur. L’effet est psychédélique, très agréable à regarder. Cette recherche avait abouti à une application dans des spectacles de variétés des années 70.
Plus loin, des cartons de récupération sont assemblés en un volume intitulé « Been there, done that KS 2 ». Il s’agit d’un hommage à Kurt Schwitters. Ici, Gustav Metzger pose la question de l’avenir de l’art par rapport à l’essor de la société industrielle. L’art doit-il s’approprier cette dernière ou lutter contre elle ?
De 1977 à 1980, Gustav Metzger a instauré une « grève de l’art » afin d’amener les artistes à réfléchir sur leurs liens avec le marché de l’art.
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L’œuvre que j’ai préférée est un film en noir et blanc de 1965 où l’on voit Gustav Metzger en train de brûler à l’acide une toile de nylon tendue devant le paysage. Ce dernier se découvre peu à peu dans les interstices créés par les brûlures. Des séquences enregistrées en gros plan montrent la détérioration progressive du tissu qui dégage des structures abstraites d’une grande beauté, pas entièrement maîtrisées par l’artiste. L’œuvre se situe à mi-chemin entre la destruction et la création ou plutôt Gustav Metzger utilise le processus de destruction pour créer. Seul le film reste, témoin de ce passage éphémère et infiniment émouvant.
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Enfin, dans le grenier du château, des sortes de « photos impossibles » interrogent les visiteurs sur la modification du rapport de l’homme à la nature devenue « environnement », la mémoire et le présent, la force émotionnelle de l’événement. Gustav Metzger constate notre indifférence aux tragédies du monde dont nous consommons quotidiennement les images. Il présente des photos grand format de certains événements mais, pour les voir, le spectateur doit agir en rampant sous un tissu, par exemple. A d’autres photos, plus accessibles, Gustav Metzger a associé des éléments du réel (pierres, pneus …). Il s’agit de rendre à la photo une dimension concrète, une épaisseur, une force d’émotion par le biais de l’imaginaire, de la réflexion et du travail de la mémoire.