Membres

Affichage des articles dont le libellé est poésie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est poésie. Afficher tous les articles

mercredi 25 novembre 2009

Charles Baudelaire et les chats

LES CHATS

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;

Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

Charles Baudelaire (1821-1867)

jeudi 1 octobre 2009

Un poème de François 1er

Étant seulet auprès d’une fenêtre

Étant seulet auprès d’une fenêtre,
Par un matin comme le jour poignait,
Je regardais Aurore à main senestre
Qui à Phébus le chemin enseignait
Et, d’autre part, ma mie qui peignait
Son chef doré ; et vis ses luisants yeux,
Dont me jeta un trait si gracieux
Qu’à haute voix je fus contraint de dire :
« Dieux immortels, rentrez dedans vos cieux,
Car la beauté de Ceste vous empire. »

Comme Phébé quand ce bas lieu terrestre
Par sa clarté la nuit illuminait,
Toute lueur demeurait en séquestre,
Car sa splendeur toutes autres minait ;
Ainsi ma dame en son regard tenait
Tout obscurci le soleil radieux,
Dont, de dépit, lui triste et odieux
Sur les humains lors ne daigna plus luire,
Pourquoi lui dis : « Vous faites pour le mieux,
Car la beauté de Ceste vous empire. »

Ô que de joie en mon cœur sentis naître,
Quand j’aperçus que Phébus retournait,
Déjà craignant qu’amoureux voulût être,
De la douceur qui mon cœur détenait.
Avais-je tort ? Non, car s’il y venait
Quelque mortel, j’en serais soucieux ;
Devais-je pas doncques craindre les Dieux,
Et d’espérer, pour fuir un tel martyre,
En leur criant : « Retournez en vos cieux,
Car la beauté de Ceste vous empire ? »

Cœur qui bien aime a désir curieux
D’étranger ceux qu’il pense être envieux
De son amour, et qu’il doute lui nuire,
Pourquoi j’ai dit aux Dieux très glorieux :
« Que la beauté de Ceste vous empire ! »

Roi FRANÇOIS 1er (1494-1547)

« Il y a parfois quelques jolies trouvailles dans les poèmes d’amour, quelques regrets du temps qui passe, un peu de nostalgie devant l’inconstance des passions : « Où estes vous allées, mes belles amourettes… » Sans parler du distique fameux qu’on lui attribue traditionnellement, sans preuve : « Souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie. » Au vrai, l’aphorisme s’appliquerait bien plus à François qu’aux belles qu’il aima. »
Jean Jacquart, « François 1er », biographie éditée chez Fayard

mardi 22 septembre 2009

Automne en Limousin




Terre secrète
Je ne suis que cet enfant qui va
Sur les calmes routes du soir.
Les fougères l'étang le brouillard
L'appellent d'une voix secrète.
Et lui du fond de sa solitude
Ecoute le silence qui tremble.
Mon pays de crépuscule est là
Derrière l'arbre de tous les jours.
Georges-Emmanuel Clancier
(né le 3 mai 1914 à Limoges)


mercredi 26 août 2009

"Le chat"


"Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre."

Guillaume Apollinaire



Commentaire de Câlinou : "Je suis très fier d'être à côté d'un poème d'Apollinaire. Anne a eu cette idée après avoir lu le blog de Norma. Merci, Norma ! Je fais un doux câlin à tous mes amis d'Internet, mais chut... ne réveillons pas Diva !"

lundi 25 mai 2009

L'hommage de l'eau

Permettez-moi de vous proposer de boire demain un verre d’eau en l’honneur de Vincent Voiture. Qui était-il et pourquoi cette suggestion ?

Vincent Voiture, écrivain et poète dont j’ai découvert avec un immense plaisir l’existence grâce à un livre de Jean d’Ormesson, naquit à Amiens vers 1597 et mourut à Paris le 26 mai 1648. Son père, riche négociant en vins, l’envoya au collège pendant que son frère cadet se destinait à reprendre la maison paternelle. Après le collège, Vincent Voiture étudia le droit à l’université d’Orléans tout en s’adonnant au jeu et au duel.

L’amabilité de son caractère ainsi que ses dons de littérateur et de courtisan lui permirent de s’attirer les faveurs et la protection de quelques grands de la Cour du roi Louis XIII, tel Gaston d’Orléans auquel il demeura fidèle. Il fréquenta l’hôtel de Rambouillet avec assiduité. Séducteur invétéré, on n’hésita pas à dire de lui : « Les femmes firent sa fortune et ruinèrent sa santé. »

Vincent Voiture écrivit de nombreux poèmes et épîtres en vers que nous pouvons lire aujourd’hui dans les deux tomes d’une édition suisse de ses oeuvres. En 1634, il figurait sur la liste des Académiciens français. Il remit à la mode le rondeau, comme il l’expliqua dans une lettre : « Je ne sais si vous savez ce que c’est que de rondeaux ; j’en ai fait depuis peu trois ou quatre, qui ont mis les beaux esprits en fantaisie d’en faire. »

Il voyagea et séjourna à Madrid, Londres, Bruxelles, Florence et Rome, où il fut élu membre de l’Académie des Humoristes fin 1638. Il obtint la charge de maître d’hôtel du roi en 1639.

Vincent Voiture était de petite taille et sa santé délicate ne l’autorisait à boire que de l’eau. Les lecteurs de ce blog comprendront donc aisément pourquoi je leur propose de se désaltérer demain d’un verre d’eau en hommage au poète : un geste banal peut devenir extraordinaire s’il est soutenu par une intention dédiée à une personnalité d’exception.

Voici quelques vers que Vincent Voiture écrivit afin de vanter les mérites d’un « buveur d’eau » :

« D’un buveur d’eau, comme avez débattu,
Le sang n’est pas de glace revêtu,
Mais si bouillant et si chaud au contraire,
Que chaque veine en eux est une artère
Pleine de sang, de force et de vertu.

Le feu par l’eau faiblement combattu,
Croissant sa force, au lieu d’être abattu,
Va redoublant la chaleur ordinaire
D’un buveur d’eau.

Toujours de preux le renom ils ont eu ;
Ils ont l’estoc bien ferme, et bien pointu ;
Chauds en amour, et plus chauds en colère :
Si que ferez fort bien de vous en taire,
Qu’un de ces jours vous ne soyez battu
D’un buveur d’eau.

Un buveur d’eau, pour aux dames complaire,
Suivant l’amour dont le seul feu l’éclaire,
Se voit toujours sobre, courtois et doux,
Et ne sauriez sitôt boire dix coups,
Qu’encor plutôt il ne le puisse faire.»