Depuis les rives de la Charente à Angoulême, Corto peut voir différents musées.
Tout d’abord, à sa gauche, s’élève le bâtiment de la CIBDI (cité internationale de la bande dessinée et de l’image), inauguré en 1990. Il est l’œuvre de l’architecte Roland Castro et comprend un musée contenant des collections de planches originales, une médiathèque et un espace cinématographique d’art et essai. De septembre à décembre 2009, il est ouvert gratuitement aux visiteurs chaque dimanche après-midi. Le LIN (laboratoire d’imagerie numérique) en dépend ; il prépare à un diplôme européen d’art et de multimédia.
Sur sa droite, de l’autre côté du pont, Corto aperçoit d’anciens chais rénovés qui constituent l’annexe de l’édifice principal.
En face de lui, un peu plus bas, le musée du papier propose des expositions permanentes ou temporaires. Lorsque j’habitais en Charente, l’artothèque d’Angoulême se trouvait au premier étage. La jeune et sympathique épouse de Jean-Michel, un de mes professeurs d’arts plastiques, l’administrait. Mais depuis dix ans, les choses ont peut-être changé. Des stages avaient lieu de temps en temps, lorsque des artistes étaient invités en résidence à Angoulême. Je me souviens de l’Australien Graham Cantieni qui disait avec raison et une douce fermeté : « On ne retouche pas la nature. »
Juste à côté du musée du papier se trouvent des salles qui, à cette époque, recevaient des élèves en ateliers d’arts plastiques, notamment en cours de sculpture. Qui les occupe aujourd’hui ? Je ne saurais le dire et je crois que je ne souhaite pas l’apprendre. Mes souvenirs sont encore trop présents. Sylvie, au caractère vif et spontané, franche et indépendante, jolie petite brune souvent coiffée de deux tresses qui lui donnaient un air d’adolescente, avait posé pour la création de cette femme en terre grandeur nature qui gît à présent sur le sol, offerte aux intempéries et à l’oubli. Je n’avais pas participé à sa réalisation car il s’agissait d’un travail collectif et cette idée même m’était insupportable. Position difficile dans notre époque où l’individualisme est vilipendé et où la notion de travail d’équipe règne de manière absolue – et peut-être parfois hypocrite, oserons-nous l’avouer un jour ? – dans toute sphère d’activité. Mais qu’importe ! « Les solitaires sont solidaires », affirmait Michel Giroud à Limoges, lors d’une conférence qu’il donnait à l’ENSA, signifiant par là que certaines personnalités se comprenaient mutuellement et s’avéraient capables de respecter la solitude indispensable à leur vie intérieure.

Le groupe de modelage s’était affairé aussi joyeusement que bruyamment et avait réussi un travail fort convenable, proche de la réalité de la pose. C’était, en toute modestie, l’objectif recherché : une restitution fidèle. Le choix de l’honnêteté n’a pas besoin de justification ; il se suffit à lui-même. Je respecte la décision des autres dans leur neutralité au service du parti pris de l’exactitude. En revanche, je préfère aller plus loin dans l’expression au risque de tout perdre, de tout gâcher, de me tromper.
Mais revenons à Corto. S’il se retourne, il aperçoit une écluse.
Il en existe d’autres tout au long du fleuve. A la belle saison, naguère, une péniche transportait son lot de touristes jusqu’à Cognac, terre de naissance de l’aimable François 1er, poète à ses heures et grand admirateur de l’Italie où tout nous ramène sans cesse pour notre plus grand bonheur.