Les statues du Campo dei Mori

Ce sont celles de Rioba Mastelli et de ses frères Sandi et Alfani. Celle de Sior Antonio Rioba, qui avait récemment perdu la tête, est située un peu plus loin, Fondamenta dei Mori. Cette statue est encore appelée le « Pasquino di Venezia » et elle avait au XIXème siècle le même usage que le fameux « Pasquino » de Rome : elle était dédiée à l’expression de la satire populaire.

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Les frères Mastelli s’étaient installés à Venise. Bien qu’on ignorât leur passé, on leur reconnaissait un certain talent d’hommes d’affaires. Cependant leur fatuité, leur manque de scrupules et leur cupidité entachaient quelque peu leur réputation. Ils avaient ruiné de nombreuses familles. Personne ne se serait avisé de s’opposer à eux, car leurs immenses richesses leur permettaient de s’allier les personnages les plus influents. On prêtait à Antonio Rioba cette phrase désormais célèbre : « Puisse le Saint des Saints transformer sur le champ ma main en pierre si ce que j’affirme n’est pas vrai. »

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Un soir de février, une femme se présenta à Sior Rioba et le sollicita pour l’achat de tissu des Flandres afin de rétablir sa boutique à San Salvador et de pouvoir ainsi faire vivre sa famille. Cette malheureuse était veuve depuis peu. Elle paraissait ne rien connaître aux affaires ni aux tissus et elle apportait avec elle tout l’argent dont elle disposait.

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Sior Rioba la conduisit à son magasin où se trouvaient déjà ses frères. Sans éprouver ni remords ni pitié, ils lui proposèrent de la toile de coton en la présentant comme un tissu précieux qui se vendrait sans peine aux femmes les plus raffinées de Venise. Sior Rioba prononça sa phrase favorite et invita ses frères à jurer de même, ce qu’ils firent en réprimant leur envie de rire face à la naïveté supposée de la pauvre femme.

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Or, celle-ci n’était autre que Sainte Madeleine. Elle était venue pour offrir aux frères Mastelli une dernière chance de rédemption mais, devant tant de malhonnêteté de leur part, elle demanda que leur vœu soit exaucé et c’est ce qui arriva.

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C’est pourquoi, depuis ce jour, on peut voir les statues des frères Mastelli dans Venise. On raconte aussi que, les jours de février où le froid était plus vif que d’habitude, on a pu voir la statue de Sior Rioba pleurer, mais je ne l’ai pas vérifié.

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Pourquoi cette statue porte-t-elle un nez de métal ? Je l’ignore. Posons la question à Fausto ou laissons s’exprimer notre imagination. Qu’en pensez-vous ?